1) Prologue
S’il est une chose acquise et incontestable, c’est que la science moderne a produit un nombre colossal d’objets techniques et de méthodes aux usages illimités et bien souvent, fort utiles à l’existence. En revanche, cette même science échoue à solutionner des problèmes de santé publique. La biologie n’est pas parvenue élucider l’origine de la vie ni des virus. Elle n’a pas trouvé les causes profondes du cancer ou d’Alzheimer malgré le nombre colossal d’études fines et précises portant sur les moindres détails des molécules, cellules, gènes, épigénomes, zones fonctionnelles du cerveau. Ce n’est pas faire insulte aux colossaux travaux réalisés dans les laboratoires que de reconnaître par-delà les succès avérés, les impasses dans la compréhension des virus, d’Alzheimer, et le traitement du cancer. 50 ans d’efforts et de milliards dépensés depuis le plan Nixon ; des progrès pour certains types de cancer mais un mur infranchissable semble-t-il pour d’autres tumeurs.
Face à cette situation, l’alternative se construit autour de deux stratégies. Ou bien on augmente les moyens financiers et technologiques pour chercher dans les voies actuelles, ou bien on tente d’explorer d’autres options en supplément des pratiques mises en place depuis des décennies. Il ne s’agit pas de diminuer le jeu moléculariste actuel mais d’ouvrir un nouveau terrain en jouant une autre partie. Certes, mais quelle serait donc cette partie et avec quelles cartes faut-il jouer ?
2) Médecine et diversité thérapeutique
A l’époque des diversités en tous genres, la diversité thérapeutique n’est pas bien vue en Occident, surtout en France, sans doute en raison des remarques succès obtenus depuis deux siècles par les techniques médicales modernes et chez nous Français, un cartésianisme obtus. Des médecines différentes ont été développées depuis des millénaires. Place à la diversité :
En Chine, médecine traditionnelle et acupuncture, phytothérapie, taoïsme
En Inde, médecine ayurvédique, yoga, métaphysique védique.
En Europe, médecine alchimique, Paracelse, médecine traditionnelle des « remèdes de grand-mère », magnétisme, ostéopathie, phytothérapie, huiles essentielles, naturopathie, homéopathie. La plupart de ces pratiques sont désignées comme pseudo-médecines par les professeurs officiant dans les facultés de médecine. La méditation en pleine conscience ne figure pas dans la liste des pseudo-médecines, car elle ne prétend pas être une médecine.
En Europe contemporaine, médecine scientifique moderne, perfectionnement de la chirurgie et surtout développement considérable de l’allopathie ; molécules thérapeutiques à foison. La plupart de ces molécules interviennent sur des récepteurs membranaires, en cardiologie, en psychiatrie et ailleurs. Les stéroïdes tapent au niveau du noyau, d’où l’efficacité spectaculaire et les effets secondaires redoutables. Les antitumoraux sont conçus comme des armes chimiques, d’où les dégâts collatéraux et imprévisibles. La radiothérapie est une arme radiative.
3) Mise au point sur la médecine quantique
Ces dernières décennies ont vu apparaître un nouveau concept thérapeutique, la médecine quantique, qui n’entre dans aucune des catégories précédemment citées. La notice Wikipédia française présente cette nouvelle thérapie comme une pseudo-médecine aux bases théoriques non fondées : « La médecine quantique est une pseudo-médecine reposant sur l’idée proposée par Fritz-Albert Popp en 1970 selon laquelle les cellules communiquent par signaux électromagnétiques, la biorésonance, concept pseudo-scientifique. La médecine quantique ne résiste pas à l’analyse scientifique et abuse du public en reprenant la terminologie de la physique quantique pour des concepts décrits comme fantaisistes ».
Il est exact que l’usage du mot « quantique » est détourné par des individus peu rigoureux en vue de vendre une thérapie quantique comme d’autres commercialisent des objets estampillé « bio » ; en revanche, les bases scientifiques sont plus sérieuses que ne le sous-entend la sentence de cet article de Wikipédia dont l’amateurisme se confirme avec ces autres lignes : « Un chercheur de l’université de Montréal dénonce l’exploitation de concepts empruntés à la physique et aux mathématiques sans égard à leur signification et dans des contextes où ils n’ont aucune pertinence (…) Or la physique quantique est l’étude de la dynamique des particules subatomiques et n’a rien à voir avec les sciences humaines, la spiritualité, la religion et la médecine. »
Aucun des arguments scientifiques présentés dans cette notice ne tient la route. D’abord les concepts de Popp sont présentés comme pseudo-scientifiques alors que ce savant da collaboré avec deux grandes figures de la physique que sont Bohm et Prigogine, puis fut membre de l’Académie des sciences de New York et figura parmi les invités étrangers de l’Académie russe des sciences naturelles. Il a également travaillé à l'université de Princeton. De plus, la présentation de la physique quantique réduite à l’étude des particules subatomiques est une stupidité évidente. D’abord il y a plusieurs physiques quantiques ; ensuite la physique quantique repose autant sur les ondes et les champs que sur les particules, en théorie et en pratique ; enfin, la physique quantique étudie les structures émergentes de la matière condensée et les lois quantiques fonctionnent à l’échelle mésoscopique (la cellule), macroscopique (le cerveau) et sans doute mégascopique comme l’établira la prochaine théorie de la gravité quantique. L’idée d’un monde macroscopique gouverné par les lois quantiques remonte plusieurs décennies et fut suggéré par ce génie méconnu de la physique du XXe siècle que fut London. Les contempteurs de la médecine quantique ont culture historique atrophiée, ils oublient que la médecine moderne fut initiée dans un contexte prémoderne construit par les alchimistes de la Renaissance. Au lieu de considérer les travaux de Popp comme un terreau pour une nouvelle biologie, les censeurs cartésiens en font un mur.
4) Toujours plus loin, la médecine quantique et entropique
La possibilité d’une médecine quantique repose sur deux piliers, expérimental bien évidemment et théorique. On sait qu’en physique, certains « objets » apparaissent dans les théories avant d’être expérimentés. Ce pourrait être le cas en médecine. Je ne parle pas de simples hypothèses mais d’une construction formelle associant les sources, les champs, les descriptions quantiques et macroscopiques. La physique de la matière condensée a récemment découvert de nouvelles phases dites à N corps localisés, puis les phases localisées oscillantes désignée comme cristaux temporels de Floquet. Ces objets ont une dimension mésoscopique et sont décrit par de nouveaux outils quantiques comme l’entropie d’intrication. Observés en 2017, ils ouvrent des possibilités inédites pour comprendre la matière. Et peut-être expliquer comment la vie a pu émerger et fonctionner en gérant l’information chimique et thermique (le bruit).
Ces phases de la matière sont capables d’échanger des informations quantiques sous formes d’ondes, de résonances (cf. les cristaux de Floquet). Ce qui ouvre des perspectives pour étudier l’interaction entre champs et systèmes vivants et si ces interactions sont d’un genre nouveau, alors elles ouvrent des possibilités de thérapie inconnues jusqu’alors. Les hypothèses bioquantiques de Popp pourraient alors prendre une forme nouvelle avec des possibilités théoriques remarquables et inédites. A titre personnel, je vois un virage sémantique, les ondes n’étant plus qu’un support pour transmettre les informations destinées à être décodées, encodées, codées. Il faut juste élaborer un corpus théorique capable de transposer ces règles quantiques au vivant. Ce n’est pas gagné car ces cristaux de Floquet apparaissent dans des situations extrêmes construites par les physiciens, notamment à des températures très basses ou dans des petits morceaux de diamant présentant des impuretés. Comment imaginer que le vivant mésoscopique puisse utiliser les principes gouvernant les phases quantiques ? Rien n’est impossible pour un savant qui imagine !
L’approche quantique est complémentaire des méthodes accessibles en laboratoire qui utilisant les champs physiques. Les paramètres des champs sont nombreux. Pour faire bref, il y a les champs électriques, magnétiques, en mode statique ou alors pulsé. Il suffit d’un réglage pour choisir une fréquence ou plusieurs. Sans oublier les champs électromagnétiques. Ce qui au final produit une infinité de possibilités. Le tout est de tomber sur la bonne combinaison en supposant qu’elle puisse « agir » sur la matière vivante des cellules et organes. Mais pour cela, il faut chercher dans les bonnes directions. Et sortir des cadres.
5) La nécessité de sortir des cadres institutionnels actuels
La découverte d’une thérapie mobilisant la physique quantique, la physique des champs, la génétique et la médecine, nécessite une approche transversale et c’est un sacré défi, pratiquement insurmontable. Ce qui rend encore plus difficile ce défi, c’est la spécialisation des recherches. Le problème n’est plus scientifique cette fois, il est humain. La plupart des chercheurs occultent ce qui se passe dans des domaines connexes ou éloignés de leur discipline.
Pratiquer la transdisciplinarité ne se réduit pas à une question de méthode, d’expériences, de techniques, de calculs. C’est aussi une question de sémantique. Il faut connaître les notions et concepts utilisés dans les différents champs pour savoir s’ils sont transposables au-delà du domaine dans lequel ils ont été forgés. Autrement dit, examiner une possible traduction d’un domaine à un autre ce qui suppose de faire comme si chaque science utilisait sa propre langue et tenter ensuite de traduire d’un domaine à un autre ce qui permet une compréhension partagée et s’il y a lieu, des correspondances signifiantes et des ouvertures théoriques inédites. En neurosciences, on jonglera avec les RMD, RS et RCE, la cingula et l’hippocampe, en physique de la manière condensée, il convient d’employer les états propres, les observable, les opérateurs, les réseaux de tenseurs et l’entropie d’intrication, en génétique, on jouera avec les transposons, télomères, snRNA, lncRNA, épissages, introns et autres exons.
Apprendre un langage scientifique, avec les codes d’une spécialité et leur sens, nécessite deux « ingrédients » essentiels. D’abord une grande curiosité pour les savoirs scientifiques, accompagnée d’une capacité à les assimiler, ce qui n’est pas le lot de tout un chacun. Sans doute faudrait-il mobiliser des scientifiques présentant un caractère HPI et donc susceptibles d’écouter les autres et d’entendre ce qui se dit en physique, biologie, systémique. Ensuite un aménagement dans les institutions car explorer de nouveaux espaces épistémologiques demande du temps et ne garantit pas du tout la possibilité de publier régulièrement, ce qui place ces chercheurs de l’impossible dans une position délicate face à la surveillance des comités d’évaluation. Les administrateurs de la recherche ne sont pas prêts à admettre que certaines recherches puissent transgresser l’implacable règle du publish or perish et qu’un scientifique puisse avancer en savoirs et compétences, en passant trois ans voire plus sans publier un seul résultat. De plus, affranchir les chercheurs de l’obligation de publier permet aussi de les libérer d’une série de tâches bureaucratiques, notamment remplir de la paperasse pour obtenir des financements. Un chercheur qui apprend, s’enrichit d’autres savoirs, progresse autant sinon plus qu’un chercheur qui expérimente. Il faut réhabiliter la théorie dans les sciences du vivant et encourager la transversalité en direction des sciences physiques.
Ce que l’on demande aux chercheurs, c’est de l’intelligence et surtout de l’audace ainsi que de la curiosité. Le monde des découvertes à venir appartient aux audacieux et aux curieux !
6) Nouvelle science, nouvelle médecine
J’ai la conviction qu’une nouvelle science émerge avec la physique contemporaine. Longtemps, les sciences de la matière et du cosmos furent divisées en physique de l’être (Newton-Einstein) et physique du devenir (Clausius-Boltzmann). Ce constat fut formulé par Prigogine il y a quelque 40 ans. La mécanique céleste est du genre être, la thermodynamique et la vie du genre devenir. Le devenir renvoie au principe du Kronos, l’être et essence à celui du Kosmos (Dugué 2017-b)
La grande révolution de 2020, c’est que la vie relève à la fois de l’être et du devenir, mais le pôle être n’est plus un trait de la mécanique classique, c’est un caractère de l’intrication quantique qui se dessine peu à peu. Une nouvelle médecine est possible, avec les champs électriques et magnétiques.
Il ne reste plus qu’à élaborer les nouvelles théories de l’émergence. Et les publier avant de passer aux considérations pratiques. Les théoriciens doivent convaincre les praticiens d’examiner comment cette nouvelle médecine est réalisable et expérimentable. Pour l’instant, des résultats probants ont établi l’effet des champs électriques sur le développement des organismes (travaux de Levin et al.). La médecine kosmologique repose sur l’interférence entre les phénomènes physiques macroscopiques et les mécanismes moléculaires mésoscopiques intriqués, notamment épigénétiques. Comment se passe le transcodage entre les codes épigénétiques et les signaux macroscopiques. Les actes de pensée générés par le cerveau produisent des effets mésoscopiques. Les réseaux neuronaux se réorganisent. Il y a bien un lien entre les actes de pensée et les réponses épigénétiques mais quels sont ces liens ? C’est l’une des questions posées dans cette nouvelle aventure scientifique promise pour les années 2020 et après.
Théorie Pratique
↓ Kosmos mésoscopique quantique, matière condensée
↓ Kosmos mésoscopique vivant, cellule, génome, épigénome ↑↑
↓ Kosmos macroscopique humain, le corps, le cerveau ↑↑
↓ Ondes et champs électriques, cibler le Kosmos ↑↑
Dugué, Les huit physiques et la nouvelle alliance, 2020, livre en attente d’éditeur.
Dugué, L’information et la scène du monde, Iste, 2017-a.
Dugué, Temps émergences et communication, Iste, 2017-b.
Levin, M., and Martyniuk, C. J., (2018), The bioelectric code: An ancient computational medium for dynamic control of growth and form, BioSystems, 164: 76-93)
Pietak, A., and Levin, M., (2018), Bioelectrical control of positional information in development and regeneration: a review of conceptual and computational advances, Progress in Biophysics and Molecular Biology, 137: 52-68
Moore, D., Walker, S., and Levin, M., (2017), Cancer as a Disorder of Patterning Information: computational and biophysical perspectives on the cancer problem, Convergent Science Physical Oncology, 3(4): 043001
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