Le livre sur Sapiens de Noah Yuval Harari a surpris le monde médiatique en devenant l’un des grands succès éditoriaux de ces dernières années. Accompagné d’une reconnaissance en haut lieu. Mark Zuckerberg l’a recommandé dans son club du livre en assurant son succès, alors que Barack Obama, Bill Gates, Damien Hirst et Hubert Védrine ont déclaré l’avoir apprécié comme un essai de grande envergure. J’ai parcouru ce livre qui m’a été prêté. Il est certes très intéressant, documenté, mais je lui trouve un côté compilation de choses et d’anecdotes avec des faits historiques, dans l’esprit de l’encyclopédie des Lumières réalisée sous la direction de Diderot et d’Alembert. Par ailleurs, ce livre est orienté sur le succès de Sapiens et traversé par un parti-pris matérialiste virant au positivisme. Il me paraît nécessaire de proposer une histoire alternative à Sapiens sans me référer au livre de Harari mais en puissant sur mes ressources intellectuelles et mes connaissances.
Mais au fait, pourquoi ce livre a-t-il eu un tel succès ? Il est possible que le moment d’incertitude, d’égarement et de perplexité du monde, incline les lecteurs à comprendre qui nous sommes et d’où nous venons. C’est cette quête qui fait aussi le succès de livres à visée historisante comme ceux d’Éric Zemmour, Michel Onfray, ainsi qu’une histoire mondiale de la France dirigée par Patrick Boucheron. Le journaliste François Reynaert vient de publier un pavé sur la grande histoire du monde. Peter Frankopan vient de publier une vision de l’Histoire centrée sur l’Asie ; livre qui a franchi le cap du million d’exemplaires vendus dans le monde. Cette tentation de viser une histoire globale est récente. Elle a émergé dans les années 1990 au sein des universités américaines puis s’est amplifiée depuis les attentats de 2001 en se répandant dans nombre de pays. Une certaine confusion règne sur le caractère global ou mondial de ces approches. Une histoire globale n’en fait pas une histoire mondiale et inversement, on peut raconter l’histoire du monde sans qu’elle ne soit globale. De plus, des précédents ont eu lieu. Avec la raison dans l’Histoire, Hegel a proposé une histoire globale, comme du reste Spengler et son déclin de l’Occident, un pavé qui tente de jeter un œil panoramique sur les civilisations et leurs ressorts. Le livre de Spengler est paru en deux parties, en 1918 et 1924, dans une période pas très sereine et l’on comprend pourquoi cet essai sur l’Occident a été commenté et lu, autant par ses détracteurs que ses admirateurs. Il fallait prendre position.
Il y a donc une place pour des essais dont l’objectif est de comprendre où nous allons en étudiant d’où nous venons, comment nous en sommes arrivés aux différentes époques et qui nous sommes. Au vu de la concurrence, il faut tracer des angles de vue inédits et faire apparaître ce qui n’a pas encore été vu. Je crois avoir un bagage scientifique suffisant pour me lancer dans cette aventure. Le reste est affaire de pensée, de hauteur de vue. Il faut de l’audace et penser avec l’esprit des quelques philosophes allemands fulgurants ayant occupé la scène jusqu’à la guerre de 39. Si les génies allemands voient les choses avec beaucoup de subtilité, il n’y a aucune raison de refuser cette manière de voir aux Français, d’autant plus que la langue française possède des ressources sous-estimées dans le domaine de la pensée et la métaphysique.
Je vais tenter d’expliquer l’évolution de Sapiens depuis le paléolithique en utilisant quelques grands principes directeurs. De quoi tracer une fresque contrastée qui prend en compte la verticalité des hommes subtils et l’aspiration au dépassement, à l’élévation, en insistant sur les idées religieuses. Remonter dans l’histoire peut modifier la conscience et offrir des clés pour attaquer les questions contemporaines, notamment la situation des sociétés à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle. L’horizon est vertigineux, tel un Everest historique et anthropologique impossible gravir. C’est ce qui se dessine après les cinq premiers chapitres. Peut-être vais-je les adresser à un éditeur, ou alors abdiquer. Les livres savants doivent avoir leur place en cette époque troublée. Aux éditeurs et aux journalistes, je conseillerais de l’audace. Trop de livres lancés dans les médias sont écrits par des personnalités narcissiques exposant leurs obsessions politiciennes, leurs petits tracas et des anecdotes inintéressantes décrivant les coulisses du pouvoir à l’instar des séries télévisées. Il faut néanmoins espérer. Les gens ne sont pas si idiots. Le succès des livres historiques montre qu’il y a une attente de la population lettrée et curieuse. La crise actuelle ne fait que renforcer la nécessité de jeter un regard sur qui nous sommes et d’où nous venons. Je ne vais pas me défiler. Mon Sapiens sera écrit, qu’il soit édité ou pas.
A bons entendeurs, du monde de l’édition, de l’audace, de la vision !